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lundi 21 juin 2010

Villepin lance son mouvement: ça brasse large, mais ça reste de l'air

Laureline Dupont - Marianne

 

Le 19 juin, Dominique de Villepin lançait en grande pompe «République solidaire», son mouvement «au dessus des partis». Du choix du vocabulaire au choix des intervenants, chaque rouage du dispositif devait faire comprendre aux «orphelins de la République» que l’ancien Premier ministre arrivait pour les sauver. Reportage

 

Ce 19 juin 2010, lendemain du 70e anniversaire de l’appel du général de Gaulle, Dominique de Villepin espérait occuper l’espace médiatique jusqu’au bout de la nuit. Mais les sales gosses gâtés de l'équipe de France ont bousculé ses plans : Nicolas Anelka a insulté Raymond Domenech, Patrice Evra a fustigé le traître caché parmi les Bleus, et les chaînes de télé ont décidé de consacrer leurs journaux entiers à l’aimable attaquant français. 
Entre deux réglements de comptes à Johannesburg apparaissait furtivement l'écran la mèche lissée de l’ancien Premier ministre, les mots « République solidaire » et c'est tout. Fin du sujet. Circulez, il n'y a rien à voir. 
Et pourtant… Villepin avait tout mis en œuvre pour que le lancement de son mouvement ait un vaste retentissement. Le système de communication était parfaitement rodé pour séduire large. Objectif : conquérir les voix des banlieues et de tous « les orphelins de la République » délaissés par Nicolas Sarkozy. Et peu importe si l’ensemble du dispositif fleure bon la démagogie.  

UN STAFF ET DES MILITANTS PERSUASIFS

13h30, métro Chevaleret, les adhérents du club Villepin, flanqués de tee-shirts customisés « Avec Villepin » se chargent de jouer les rabatteurs. « 2e feu à droite », la phrase est scandée haut et fort comme pour signifier au voyageur égaré qu’il n’a qu’une destination possible : la Halle Freyssinet, dans le 13e arrondissement, où se déroulera le rassemblement organisé par Dominique de Villepin à l’occasion du lancement de son mouvement.  
Deux rues plus loin, à l’entrée du bâtiment, les hôtes et hôtesses d’accueil, blacks, blancs, beurs, ont une mission qu’ils mènent tambour battant : prouver que l’ancien Premier ministre est un rassembleur.  
Premier argument : villepinisme rime avec mixité sociale. Comprendre : pas comme l’UMP qui ne fédère que les CSP+++. Un jeune adhérent affirme : « Il y a de tout parmi les militants : des cadres dynamiques, des jeunes issus d’écoles de commerce, d’écoles de lettres, de Sciences po ». Il oublie les normaliens et les polytechniciens. Sont-ils exclus? Et dans ces conditions, peut-on vraiment parler de mixité sociale ?  
Deuxième argument : celui qui s’est offert un tour de France des banlieues séduit les « minorités visibles ». Et pour en persuader les plus sceptiques, le staff a plus d’un tour dans son sac. Jeune femme voilée placée au premier rang, qui finira par monter sur scène pour chanter la marseillaise le poing levé (mais pas le voile) à la fin du meeting ; militants un peu trop clairs priés de céder leur place sur la photo de famille à un jeune homme d’origine africaine et à une petite fille que Villepin prendra dans ses bras une fois les caméras braquées sur lui… Le mouvement villepiniste se veut le porte-parole de la diversité.  
Troisième argument : Villepin réunit « au-delà des clivages partisans ». Les adhérents n’hésitent pas à faire part de leur propre expérience pour appuyer leur propos. « J’étais militant MoDem avant, certains viennent de Désirs d’avenir, d’autres n’avaient jamais milité », certifie Xavier. Si la bonne foi des adhérents ne suffit pas à convaincre, des personnalités politiques prennent le relais.   

DES INVITÉS SURPRISE

Azouz Begag, ancien ministre de la Promotion de l’égalité des chances du gouvernement de Dominique de Villepin, a fait le déplacement. Son appartenance au MoDem ? Aucun problème, « on peut avancer jusqu’à la dernière ligne avec deux hommes », assure-t-il. Sa présence est une aubaine : qui mieux qu’un homme passé successivement du PS au RPR puis au MoDem peut symboliser le « rassemblement au dessus des partis » prôné par Villepin ?  
Loin de se contenter de son rôle de simple soutien, Begag entend également jouer les médiateurs : « Je suis là pour faire progresser les passerelles entre les deux hommes. Je ne suis pas le porte-parole du MoDem mais Bayrou-Villepin c’est un super ticket, le ticket de la douce France ».   
Plus attendus, les fidèles de l’ancien Premier ministre expriment leur émerveillement face à la diversité des personnes réunies. « On se croirait dans le métro à 6 heures du soir », exulte François Goulard, député UMP du Morbihan. 

DES TÉMOIGNAGES POIGNANTS DE VRAIes gens

Si Villepin rassemble au-delà de la couleur de peau et de la couleur politique c’est parce qu’il sait écouter les Français, tous les Français. Pour lui l’aristocrate, la parole des vraies gens compte plus que celle des politiques. Les députés villepinistes, sagement assis au premier rang, engoncés dans leurs costumes stricts, ont été priés de laisser leur place sur scène à la France, la vraie. Jean-Pierre Grand avait prévenu : « Samedi c’est la France qui se déplace ».  
Sur scène, quatre personnes inconnues au bataillon se succèdent pour exposer leur vision de la société et de la République. Chantal, habitante de Villiers-le-Bel, clame : « L’amour de l’être humain, c’est plus fort que tout, plus fort que le porte-monnaie ». Frédéric, professeur d’histoire, évoque quant à lui « l’échec scolaire qui conduit à la violence […], la panne de l’ascenseur social […], les citoyens oubliés ».   
Après le premier groupe, un second monte à la tribune. Le casting est parfait. Des femmes, un banlieusard, un agriculteur, une ancienne socialiste, tous racontent, des trémolos dans la voix, leur rencontre avec Dominique de Villepin. Le point Godwin de la mièvrerie est atteint quand Anyss Arbib, étudiant à Sciences po (ndlr : il avait défrayé la chronique en racontant avoir été témoin et victime de violences policières en novembre 2009) confie au public cette touchante anecdote : « Je faisais partie d’un groupe de jeunes de banlieue reçus à Matignon par Dominique de Villepin suite aux émeutes urbaines de 2005. Je lui ai dit que je voulais faire Sciences po et l’ENAA la fin de la réunion, il est venu me demander qu’on prenne une photo ensemble. Il me l’a signée et il m’a dit : «J’aimerais que tu la mettes dans ton bureau à ta sortie de l’ENA» ». 

UN DISCOURS RÉVOLUTIONNAIRE, DES RÉFÉRENCES PRESTIGIEUSES

Après le peuple, place au tribun. Pour faire patienter le public en délire, l’écran derrière la scène diffuse des vidéos de l’ancien Premier ministre. Son discours à l’ONU remémore à ceux qui l’auraient oublié le courage et le lyrisme dont il a su faire preuve, ses déclarations pendant le procès Clearstream sont l’occasion de huer Sarkozy sans avoir à le nommer. En revanche, assez bizarrement, rien sur le Contrat première embauche. Un oubli, sans doute.    
Brigitte Girardin, secrétaire générale du nouveau mouvement, monte sur scène pour une petite leçon de démagogie: « Je veux tordre le cou aux commentaires sur l’absence de financement. Au moment où 18 millions de Français ont du mal à boucler leur fin de mois, il est important que l’on fasse preuve de simplicité. » Pari réussi : le décor épuré, la désorganisation et le manque de matériel confirment le souci de sobriété.    
Enfin, celui que tout le monde attendait traverse la foule sous les cris de « Villepin président » et grimpe à la tribune pour entamer un discours fleuve de plus d’une heure.    
Son tour de France des banlieues et des campagnes semble lui avoir donné des ailes. Convaincu que ces contrées éloignées dans lesquelles personne -et surtout le président- ne va plus, représentent une abondante réserve électorale, Villepin choisit de leur adresser son allocution. Le choix du nom « République solidaire » résume à lui seul l’objectif poursuivi : fédérer le plus largement possible.    
L’immigration, l’islam, les banlieues sont l’occasion d’un démontage en règle de la politique élyséenne :« Nous n’acceptons pas qu’un gouvernement instrumentalise la peur de l’autre, la peur de l’immigré, le peur de l’islam, dans le déni de la vocation de la France […] Nous n’acceptons pas que le Kärcher tienne lieu de politique ». Pour rappeler ses nombreux déplacements à la rencontre de la France oubliée, il ajoute : « Tous les Français que j’ai rencontrés veulent aller de l’avant. Des agriculteurs qui veulent vivre de ce qu’ils produisent, des jeunes de banlieues et d’ailleurs qui veulent être respectés et exprimer leurs talents ».    
La droite en prend pour son grade tandis que la gauche est épargnée. Convoquant à plusieurs reprises la mystique révolutionnaire, Villepin célèbre les valeurs républicaines, liberté, égalité, fraternité. Considérant que « nous sommes entrés sans le dire dans un nouvel Ancien Régime », il appelle à renverser les « nouvelles Bastilles ». A mi-chemin entre Danton et Mélenchon, celui qui a toujours sa carte à l’UMP s’érige en révolutionnaire prêt à faire sauter les privilèges de la noblesse sarkozyste. Il fustige « l’esprit de cour », les « nominations qui procèdent plus de la faveur que du mérite » avant de dénoncer les « Bastilles des discriminations ».    
Se souvenant parfois qu’il faut aussi débaucher à droite, il ponctue son discours de références gaullistes. « N’oublions pas qu’il y a 70 ans, des hommes, des femmes, des jeunes ou moins jeunes, répondaient à l’appel d’un général inconnu. » Et tant pis si les sympathisants UMP ne sont que 7% à voir en Villepin l’héritier du gaullisme ; du moment que les « orphelins de la République » répondent à l’appel. Car en définitive, quoi de mieux qu'un programme vide et un discours qui ne dit rien pour ratisser le plus large possible?    

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