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lundi 18 janvier 2010

Pékin, big brother mondial

Le gouvernement chinois mondialise depuis 2009 sa censure, et la France ne fait pas exception. A au moins deux reprises l’an dernier, Pékin a tenté d’interdire la diffusion sur des chaînes françaises de documentaires sur la Chine, révèlent des sources françaises fiables et concordantes. L’un d’eux évoquait la répression de Tiananmen (1989), l’autre le Tibet.
Au printemps 2009, alors que l’un de ces sujets était en tournage en Chine, la police chinoise a été surprise en train de cambrioler le siège de la maison de production française, qui est basée à Pékin, où elle a dérobé une copie d’un de ces films, au montage à peine achevé. Le directeur de cette compagnie, qui souhaite garder l’anonymat, explique qu’il a peu après été convoqué par un officiel du ministère des Affaires étrangères à Pékin. « On m’a dit que j’étais arrogant et que je heurtais profondément les sentiments du peuple chinois… J’ai demandé comment ils s’étaient procuré le film que personne en dehors de nous n’avait encore vu, et j’ai eu droit à des sourires embarrassés. »
A Paris, il est de moins en moins rare que des responsables de chaînes de télévision françaises soient convoqués à l’ambassade de Chine, où il leur est demandé de déprogrammer un documentaire sur la Chine. « Leur façon de faire est psychologiquement très violente », rapporte l’un de ces responsables d’une grande chaîne qui souhaite également rester dans l’anonymat « car ce n’est pas dans notre intérêt de parler de ça ouvertement ». « Un ministre-conseiller m’a dit que le massacre de Tiananmen n’a pas eu lieu. Il m’a dit  : “Vous n’avez le droit de parler de la Chine que par rapport à ce qu’on vous autorise à dire.” […] Ils m’ont dit qu’ils pourraient m’inviter dans les meilleurs restaurants chinois de Paris, que la Chine est un pays fantastique, puis ils m’ont demandé, courtoisement, de déprogrammer un documentaire qui leur déplaisait… » Dans le milieu de la télévision, où le silence sur les pressions chinoises est généralement de règle, on souligne que la Chine est le seul pays au monde à user de méthodes aussi brutales. Certaines chaînes n’ont pas subi de pressions autres qu’une « visite courtoise ». Emmanuel Suard, de la direction des programmes d’Arte explique ainsi avoir reçu « un haut responsable de la propagande » chinoise qui l’a « invité à visiter le Tibet ».
« Pékin déploie des efforts considérables pour influencer la perception internationale de la Chine, par la propagande à grande échelle et la dissémination d’informations sélectives », s’inquiétait en novembre un rapport annuel du ­Congrès américain. « Pour la Chine, la propagande extérieure est un instrument essentiel du pouvoir de l’Etat, et elle entretient une importante bureaucratie dédiée à cet objectif. »
Pékin prend de moins en moins de gants pour tenter d’imposer sa vision au monde. Les organisateurs du festival de Melbourne (Australie) ont eux aussi « heurté gravement les sentiments » des 1,340 milliard de Chinois, et en ont payé le prix. En juillet, quelques jours avant l’ouverture du festival – fondé en 1951, c’est le plus vieux du monde – Richard Moore, l’organisateur, reçoit un coup de téléphone. « C’était le consulat chinois. On m’a dit sans détour, avec une incroyable arrogance, que je devais justifier ma décision d’inclure dans la sélection [le film] les Dix conditions de l’amour. » Ce documentaire retrace la vie de Rebiya Kadeer, une dissidente ouïghoure accusée par Pékin d’encourager les sécessionnistes du Xinjiang. Le maire de Melbourne, sommé par la Chine d’intervenir, déclina. L’ambassadeur d’Australie à Pékin fut morigéné. Mais le directeur du festival ne céda pas. Son refus fit l’effet d’une déclaration de guerre. Tous les réalisateurs chinois se virent ordonner par les organes chinois de retirer leurs films, et ils s’exécutèrent. Le site internet du festival fut pris d’assaut par des hackers chinois (les adresses IP des pirates provenaient de Chine) qui remplacèrent la page de garde par un drapeau chinois et des slogans hostiles. Les boîtes mails des responsables du festival furent bombardées de messages intimidants (l’un d’eux menaçait la famille de Richard Moore). Des organisateurs reçurent des coups de téléphone d’insulte  ; les fax du festival furent bloqués par des appels constants…
Juergen Boos, le directeur de la Foire du livre de Francfort, a pour sa part décidé de céder, à l’automne, lorsque la Chine lui a demandé de renoncer à inviter deux écrivains dissidents, Bei Ling et Dai Qing. Cette dernière, qui est âgée de 68 ans, milite pour la démocratie et le respect de l’environnement. Lorsqu’elle est arrivée à l’aéroport de Pékin pour s’embarquer pour Francfort, elle a découvert que son billet d’avion venait d’être mystérieusement « annulé ». Elle a dû en racheter un autre pour pouvoir embarquer. A Francfort, les organisateurs du festival finirent, sous la pression du PEN Club, par la laisser s’exprimer depuis la salle. « Nous ne sommes pas là pour qu’on nous donne des leçons de démocratie », lança alors un officiel chinois, qui évacua les lieux sur le champ avec toute la délégation.
La Chine a réitéré ses intimidations la semaine dernière lors du festival du film de Palm Springs. Devant le refus des organisateurs californiens de retirer un film sur le dalaï-lama, Pékin a contraint deux réalisateurs chinois à se retirer du festival. Ces pressions chinoises visent aussi les universitaires, regrette le rapport du Congrès américain déjà cité. Les sinologues pratiquent l’autocensure, y confessent trois d’entre eux – Orville Schell, Perry Link et Victor Shih – dans la crainte d’un refus de visa. Un sinologue français, sous couvert d’anonymat, déplore également le « chantage au visa » exercé à l’encontre de certains chercheurs français.
Cette offensive fort peu diplomatique de la Chine est mise en œuvre par un appareil rôdé. En 1991, la propagande extérieure, dont s’occupait jusqu’alors le département central de la Propagande du Parti, a été élevé au rang de ministère, sous la double appellation « bureau de la Propagande extérieure » et « bureau d’Information du conseil d’Etat ». Son rôle est de surveiller Internet et toutes les activités des journalistes étrangers ou des universitaires. Afin d’affiner ses moyens de pression, la Chine a organisé en octobre un World Media Summit (170 médias étaient présents) présidé par le directeur de l’agence Xinhua… ancien vice-directeur du département de la Propagande du Parti. Le président chinois, Hu Jintao, y a appelé les médias étrangers à « promouvoir une information vraie, correcte, exhaustive et objective ». Le mot à retenir étant « correct ».
Paru dans Libération du 14 janvier 2010

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