Le blues du millionnaire

BORDEAUX. L'ancien boucher de Bègles a été condamné hier à une peine de prison pour conduite sous l'emprise de l'alcool et tentative de corruption d'agents de police

N'était-il pas plus heureux lorsqu'il était simple boucher à Bègles ? Un commerçant réputé qui pouvait assister à un match de rugby à Musard sans attirer l'attention. Un célibataire tranquille amoureux du travail bien fait.

C'est ce qu'ont laissé entendre hier, devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, Mes Pierre Blazy et Stéphane Guitard, les deux avocats de Pascal Brun. L'ancien commerçant qui avait défrayé la chronique en décembre 2004 après avoir remporté plus de 26 millions d'euros au tirage de l'EuroMillions était en effet jugé pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique et tentative de corruption d'agents.

L'apéro à la maison

L'histoire n'est pas banale. Elle débute samedi, vers 19 heures, boulevard de l'Océan, dans le quartier du Pyla, à La-Teste-de-Buch. Deux policiers en patrouille sont avisés qu'une Ferrari jaune est mal garée et gêne la circulation. Ils demandent à son propriétaire, qu'ils ne connaissent pas, de stationner son véhicule correctement. Mais lorsque l'homme prend le volant, la belle voiture, immatriculée en Suisse, zigzague.

Contrôle. Éthylotest. Pas cal Brun a près de deux grammes d'alcool dans le sang. Dans un premier temps, pour arrondir les angles, il propose aux deux policiers, un homme et une femme, de venir pendre l'apéritif dans sa résidence secondaire, située dans le même quartier. Ces derniers refusent fermement.

Ferrari 599

Puis, dans la voiture qui l'emmène au poste, l'ancien boucher propose 1 000 euros à chacun des fonctionnaires s'ils acceptent de le ramener à sa Ferrari 599 modèle Fiorino et d'oublier l'incident. « Je suis dans la police depuis vingt ans, jamais je n'avais entendu ça », a déclaré hier à la barre la femme policier, outrée d'un tel comportement.

Au bout du compte, le millionnaire passera la fin du week-end en garde à vue au commissariat d'Arcachon, avant d'être transféré hier en début d'après-midi au tribunal de Bordeaux, pour être jugé dans le cadre des comparutions immédiates.

Déjà condamné

Depuis le box des prévenus, Pascal Brun, 39 ans et profil bas, n'a pas contesté les faits de conduite sous l'emprise de l'alcool. Pour ce qui est de la tentative de corruption, il dit ne se souvenir de rien. Me Blazy affirmera plus tard qu'il n'était pas dans son état normal au moment des faits, et qu'il a tenu des propos incohérents.

Vêtu d'une chemisette grise, la raie sur le côté, le prévenu raconte qu'il sortait de table lorsqu'il a été interpellé. Il reconnaît le trio « apéritif, vin, digestif ». Il s'était garé en double file pour aller faire une course, raconte-t-il.

Mais ce n'est pas la première fois que l'ancien boucher comparaît pour avoir pris le volant en état d'ébriété. Plusieurs condamnations figurent à son casier. Le tribunal en a tenu compte dans sa décision.

Résultat : Pascal Brun a écopé hier d'une peine de six mois de prison, dont trois mois assortis d'un sursis mise à l'épreuve avec obligation de se soigner et d'indemniser les victimes. Le permis de conduire du prévenu est annulé, avec interdiction de le repasser avant di x mois. Enfin, la Ferrari sera confisquée par la justice s'il est prouvé qu'elle appartient à Pascal Brun, ce que ce dernier conteste.

Le tribunal, qui a suivi les réquisitions du parquet représenté par Sylvie Rodrigues, n'a pas décerné de mandat de dépôt à l'audience. Le condamné n'a donc pas été conduit à la maison d'arrêt.

10 000 euros demandés

Pascal Brun pourrait bénéficier d'un aménagement de peine de type bracelet électronique en ce qui concerne la partie ferme de la condamnation. Il devra verser 500 euros de dommages et intérêts aux deux policiers d'Arcachon. Lesquels, par le biais de leur avocate, Me Sylvie Bourdens, avaient demandé 10 000 euros chacun. Une somme jugée bien excessive sur les bancs de la défense.

Sur le thème « l'argent ne fait pas le bonheur », Me Stéphane Guitard a expliqué comment la vie de Pascal Brun a basculé lorsqu'il a gagné à l'EuroMillions. Le citoyen bien inséré s'est alors retrouvé « sans statut social, souvent victime de gens peu scrupuleux ».

Présenté comme un garçon gentil, mal à l'aise dans son costume de rentier fortuné, il s'est pris de passion pour les belles voitures et vit à Genève une partie de l'année, pour fuir les sollicitations dont il est l'objet. « Mais », souligne Me Blazy, « Genève, ce n'est pas Bègles ! ».

Auteur : Christine morice
c.morice@sudouest.com